L’affaire Lambert (partie 5)

Cette partie de l’affaire va nous permettre de boucler la boucle.

Par contre, sachez que cette affaire restera toujours ouverte pour moi et surtout, pour Michel.  Car oui, nous avons obtenu nos réponses objectives, mais il n’en demeure pas moins que plusieurs mystères résident.

Nous avons donc eu deux grandes réponses.  La première nous est parvenue la veille de Noël.  Nous recevions un message de la toute première famille d’accueil de Michel.  C’était pourtant inespéré.  Le couple désiraient entrer en contact avec Michel car il s’avérait qu’ils étaient justement à la recherche de ce dernier, depuis quelques temps.  Ils ont accepté de discuter avec moi et de me livrer leur témoignage.

La famille d’accueil

Ils m’ont d’abord raconté les tristes circonstances découlant du fameux drame de janvier 1977.  Michel, deux ans et demi, avait d’abord été confié aux parents de Marcel.  Pour des raisons plus ou moins connues, la protection de la jeunesse aurait demandé que le petit Michel soit relocalisé de toute urgence dans une famille d’accueil.  C’est la police qui serait venu chercher l’enfant et ce, dans une scène déchirante.  Or, Michel aura longtemps peur de la police car à son âge, voir sa grand-mère les implorer de garder l’enfant lui aura fait croire à tort que ceux-ci étaient des «méchants».  La famille d’accueil me dit avoir eu à travailler sur cette phobie.  La dame me raconte, avec une pointe d’émotion, que ce soir-là, quand le petit Michel s’est mit au lit, il lui avait dit «il ne faut que je pleure, hein?».

D’une voix posée, elle me raconte ensuite que Michel était un petit garçon adorable mais difficile au niveau du comportement.  Michel m’avait d’ailleurs raconté que petit, il était loin d’être un «enfant bibelot», ce qui selon moi est compréhensible compte tenu les embûches qu’il venait déjà de traverser malgré son jeune âge.  Ils ont donc entamé des rencontres avec une travailleuse sociale.

Lorsque je lui demande comment était Marcel, elle me raconte que malgré tout, il était surprenamment facile d’approche.  Il appelait régulièrement, prenait des nouvelles de son fils et signifiait souvent sa reconnaissance envers eux.  Il ne semblait pas nier son passé criminel puisqu’un jour, il a envoyé un enregistrement audio à son fils pour lui exprimer son souhait qu’il ne suive pas son parcours.  Toutefois, la famille d’accueil ne l’avait pas fait écouter à Michel car il était encore trop jeune pour ce type de contenu, en plus d’avoir eu le conseil de la protection de la jeunesse d’attendre qu’il soit en âge de comprendre pour lui annoncer la vérité sur le drame.

Par contre, lorsqu’il est question de Jean-Guy, le fameux frère, les choses prennent une autre tournure.  Durant plusieurs semaines, voir des mois, Jean-Guy se serait présenté directement au domicile de la famille.  D’abord insistant, il est devenu peu à peu menaçant.  Il voulait ni plus ni moins récupérer Michel.  Il voulait aussi lui parler seul à seul.  La famille a tenté de le raisonner mais quand Jean-Guy a clairement verbaliser des menaces à leur endroit, ils ont contacté la police.  Ces derniers auraient surveillé les environs du domicile pendant un certain temps.

Je me permet ici d’émettre une opinion basée sur mon expérience dans le milieu de l’intervention.  Avoir une famille naturelle et accueillir des enfants dans des situations d’urgence est déjà une vocation qu’exerceront peu de gens.  Surtout à la fin des années 70, dans une ville qui manque d’effectif à cette même période.  Si on ajoute que cette famille a décidé de maintenir la garde de l’enfant malgré le stress qu’a pu occasionner le comportement de Jean-Guy et ce, afin de lui offrir une constance, on parle d’intervention d’avant-garde.  C’est touchant de voir qu’il y a quand même eu ces gens à travers cette histoire.

Pour ce qui est de la fin de la détention de Marcel, ils ont su d’avance qu’il allait récupérer son garçon.  Non seulement Marcel les aurait prévenu mais aussi les intervenants de la protection de la jeunesse.  Ils ont simplement su que Marcel allait sortir telle date et que de ce fait, il allait pouvoir reprendre Michel.  Ce qui fut fait.  Marcel s’est présenté dans un bel habit bleu poudre avec de gros chocolats de Pâques pour tous les enfants.  C’était exactement ce que Michel m’avait raconté.

Commission des Libérations Conditionnelles du Canada 

Un peu plus tard, en janvier, j’ai appelé le Service Correctionnel à savoir ce qui advenait du dossier demandé.  On m’a répondu que le dossier physique de Marcel n’existait plus, puisqu’il est décédé.  Quand un ancien détenu décède et que le dossier a pris de l’âge, il est peu pertinent pour eux de le garder puisqu’il ne retournera pas en détention.  On m’a donc directement reféré à la Commission des Libérations Conditionnelles du Canada (CLCC).  Rapidement, j’ai eu un retour d’appel du porte-parole, Monsieur Obadia.

Très symathique, il m’explique avoir fait plusieurs recherches sur ce dossier.  Il m’informe aussi que la requête a été plus longue à traiter puisqu’il ne reste que quelques bribes informatisées.  Aussi, le dossier de Marcel était au nom de M. Lambert et il y avait une petite erreur quant au jour de naissance dans la date inscrite au dossier.  Ce nom étant très commun, il fallait donc s’assurer qu’on parlait de l’individu de la demande.

Les informations qu’il allait me donner, bien que « chétives » pour certains, m’étaient quand même précieuses, après tout ce temps à chercher quelque chose d’habituellement si simple à trouver.

Verdict : Homicide involontaire coupable, prononcée le 28 mars 1978.

Sentence : 3 ans.  Précisément : 1996 jours purgés.

Fin de la peine complète : 27 mars 1981.

Libération car admissible d’office : 26 mars 1980 donc au 2/3 de sa peine.

Pardon: Impossible qu’il en ait eu un.  Cela ne s’effacerait pas de leurs données.

Marcel a été libéré le 26 mars 1980 car la Commission n’avait pas le choix puisqu’il pouvait demander à sortir au tiers de sa peine.  Probablement que son comportement le lui permettait.  Toutefois, une libération d’office est différente d’une semi ou totale liberté méritoire, c’est-à-dire une liberté méritée par un « bon comportement ».  On peut donc déduire que Marcel n’est pas sorti de détention grâce à un comportement exemplaire.  Même que s’il avait obtenu une liberté méritoire, il aurait pu sortir en… 1979.  Il est sorti parce qu’il pouvait en faire la demande et cela a été accepté.  Ce type de libération vient avec des conditions, selon le détenu.  On parle de couvre-feu ou d’interdiction d’approcher telle ou telle personne, par exemple.  Ceci expliquerait qu’il a pu aller chercher son fils sans escorte en mars 1981 car selon les faits, Marcel était libre depuis 1 an (1980) mais avec conditions.  Une fois ce temps écoulé, il n’avait plus aucune condition spécifique.  Toutefois, la reprise de la garde des enfants est un autre sujet.  De nos jours, ce genre de tournure n’est absolument pas courante.  Que s’est-il passé pour que la D.P.J remette ainsi aisément les enfants sans escorte?  Cela reste flou pour le moment.

Nous étions donc en présence de nos réponses mais reste que celles-ci sont quand même choquantes pour Michel (et pour quiconque s’étant attaché à cette affaire).  Et ces réponses nous font réfléchir encore plus sur certaines questions dont les réponses seront plus ardues à trouver.  Surtout si on pense à Jean-Guy et à la part qu’il a eu dans cette affaire…

C’est pour cela que nous n’abandonneront jamais cette quête et que nous seront toujours là pour écouter les témoignages et commentaires.  C’est d’ailleurs ce qui a fait avancer les choses.  Sans les gens de Sept-Îles, les précieux collaborateurs comme tante Vera, Mario, Patrick, Jean-Philippe, Roxanne, H2O, la CLCC, ICI Côte-Nord (Radio-Canada), Vicky, Sébastien, Yvon et les familles d’accueil.

Et surtout grâce à Michel.

Car sans sa résilience et sa belle collaboration, nous n’aurions pas pu cheminer ainsi…

À toi Nora! xxx

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