L’affaire Lambert (partie 4)

J’ai attendu avant de mettre à jour cette série.  D’abord parce que je voulais faire le tour des nouveaux éléments qui me sont parvenus ce printemps et ensuite parce que j’étais occupée à préparer le balado sur cette affaire.

Concernant d’abord l’étrange arrestation de Marcel en 1962, j’ai découvert en avril un article de  journal où on parle maintenant d’un Marcel qui aurait été accusé de tentative de vol de voiture… de police.  Il aurait justifié ce geste par le fait qu’il voulait se réchauffer.  On est loin du chic détective privé qui aurait encaissé un chèque falsifié pour un fraudeur prolifique.

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La Presse, 6 février 1963, BAnQ

À partir de cette trouvaille, j’ai demandé aux archives de me trouver l’inscription de cette cause en 1963.  Ils me l’ont trouvé.  Et celle-ci contenait la fameuse adresse où résidait temporairement Marcel.  Cette adresse, je l’ai tant cherché dans les vieux bottins et les anciens registres fonciers tout en cherchant des liens avec tous les propriétaires de la rue…  Mais quelle est la vérité sur ce qu’a fait Marcel à la fin de 1962?  À ce jour, je ne le sais toujours pas.

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Extrait des causes en 1963, BAnQ Vieux-Montréal

Ensuite, le partage de la série de textes m’a donné l’occasion de me trouver de nouveaux alliés.  Patrick Sirois, ancien journaliste à Sept-Îles, a décidé de m’aider à chercher dans les journaux sur la suite des procédures.  Il a déniché un article datant de décembre 1977 où on nous informe que Marcel a réussi à faire changer son accusation d’homocide au deuxième degré à homicide involontaire.  On y apprend aussi que son avocat, dans un premier temps, souhaitait reposer sa défense sur les troubles de santé mentale de son client, sans succès puisque l’évaluation psychiatrique de Marcel Lambert ne lui permettait pas de le faire, pour ensuite se servir de son état d’ébriété au moment des faits, afin d’obtenir la clémence du juge.  Où, quand et dans quel contexte avait été prononcée cette accusation?  C’est encore un mystère.  Ce serait en fait le ministère public qui aurait accepté la modification.  Le prononcé de la sentence devait avoir lieu en janvier 1978.  Encore une fois, on ne retrace pas cette procédure non plus.  M. Sirois me fera réaliser toutefois qu’une grève du journal L’Avenir à Sept-Îles avait eu lieu dans cette précieuse période.

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L’Avenir, google newspapers
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Témoignages de l’enquête du coroner, BAnQ Sept-Îles

Au mois de mai, le moratoire sur les dossiers de coroner aux archives venait de terminer mais je l’ignorais encore.  L’article trouvé m’a donné l’idée de refaire une demande aux archives à partir des dates mentionnées et on m’a alors informé que j’avais accès à plus de cent pages de témoignages devant le coroner Raymond Gaudrault. Nous pouvions enfin lire ce qu’avait dit Marcel, Jean-Guy, le personnel de l’hôpital, l’enquêteur, le propriétaire du bar, la gardienne et la mère de la gardienne.  En temps réel, de Québec à Montréal, moi et Michel avons lu le dossier au complet en un seul souffle.

Autant nous étions heureux d’avoir le document, autant que celui-ci contenait tellement d’irrégularités que d’autres questions émergeaient.  Toutefois, on pouvait au moins extrapoler un peu, en savoir plus sur les témoins, voir même clarifier l’événement.

D’abord avec Michel et aussi avec mon père, j’ai relevé des anomalies et des points importants afin de trouver des filons à exploiter.  Ensuite, Patrick Sirois et Jean-Philippe Rousseau m’apporteront un autre regard suite à la lecture de ce dossier.

Nous notons d’abord une curieuse chronologie quant à la soirée de Jean-Guy, qui se sera promené d’un bar à l’autre, en passant par des visites impromptues chez les Lambert, le tout avec un appel logé chez lui dans son appartement sur Giasson, soit très près du dépotoir où Marcel aurait commis son crime.

On note aussi des contradictions quant au spectacle présenté au cabaret Le Cayen.  Or, Yvon Lamothe ne fait pas parti des témoignages car la prestation qu’il aurait eu à faire devant le jury se serait fait dans le bar, donc en quelque sorte à «huis-clos».  Par le fait même, il m’informera qu’il n’a jamais été question de spectacle en après-midi, mis à part celui qu’il a du faire pour l’enquête du coroner.  Il ne connaissait que très peu de détails sur le meurtre, ayant été interrogé complètement à part des autres.  Quand nous sommes allés le recontrer à Granby dans le cadre du balado, Roxanne et moi, il nous a dit se rappeler vaguement avoir été informé par les policiers que le meurtre avait eu lieu dans le stationnement du bar…

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Marcel et ses fils, gracieuseté Michel Lambert

Concernant Jean-Guy Lambert, nous apprenons beaucoup de choses.  Il contredit le témoignage de la jeune gardienne en jurant ne pas avoir demandé si Nora était à l’hôpital la première fois qu’il se rend chez les Lambert.  Ses réponses sont évasives, peu crédibles et contradictoires.  Il va même aller jusqu’à dire qu’il n’a pas appelé la police de chez son frère parce que ce dernier était tombé sans connaissance sur le téléphone et que sa tête était trop lourde à soulever.  Malgré cela, on n’approfondira que très peu dans les questionnements.

Quant à Marcel, il racontera entre autres avoir fait un aller-retour au Lac Daigle dans l’après-midi avant d’aller voir le spectacle au bar, aller souper et retourner au bar avec sa femme pour voir la présentation du soir.

Quant aux autres témoins, on a la gardienne qui raconte les moments où Marcel revient sans pantalon, le mateau maculé de sang, pour jeter les vêtements de sa femme dans la cave.  Sa soeur nous racontera au téléphone comment elle a eu peur lorsqu’elle a su que Marcel allait sortir de détention en 1981.

Le personnel infirmier racontera aussi dans quelles conditions Nora et Marcel sont arrivés à l’urgence ce soir-là. On nous décrit la position de Nora, les paroles de Marcel, un nébuleux appel téléphonique qu’il avait fait avant de s’enfuir chez lui et les dernières paroles que Nora aurait dit, soit «j’ai mal au ventre»…  Et pour cause, puisqu’elle avait reçu 17 coups de couteau.  C’était difficile à lire, compte tenu que je savais que Michel lisait le tout en même temps que moi.

Nous n’avons rien sur le Docteur.  Pourtant, tante Vera, que nous avons appelé à Havre-St-Pierre nous confiera que ce dernier aurait demandé à Nora «Qui vous a fait ça?», ce à quoi elle aurait répondu «my husband».  Cette info, je crois que nous ne pourrons jamais la vérifier…

Une suite viendra, car tout ce travail aura porté fruit.  Tant de gens qui ont aidé dans cette quête…  De près ou de loin, vous comprendrez que ces gens auront contribué à résoudre de grandes questions que se posent Michel et l’année 2019 aura été très bénéfique.

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